L\\\'OEIL SUR L\\\'ACTUALITE

2 millions de personnes qui ont manifesté contre la réforme des retraites pour les syndicats, 1 million pour le ministère, qui dit mieux ? On se croirait à une vente aux enchères ! La seule certitude est que les manifestants étaient nombreux contre la réforme des retraites : syndicats, cheminots, employés du secteur aérien, salariés du secteur privé (le bâtiment), etc… Qu’est-ce qui a pu déclencher la colère des Français ? Colère extériorisée pour les manifestants d’hier, colère intériorisée pour tous les Français soutenant la grève sans y participer (87 % des électeurs de gauche, 38% des électeurs de droite selon un sondage du Figaro). Les dynamites qui ont provoqué ce dynamisme des grévistes sont : le recul de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, le recul de l’âge pour avoir droit à une retraite à taux plein de 65 à 67 ans, et l’augmentation du nombre d’années de cotisations de 40.5 à 41 annuités. On aurait dû prévenir le gouvernement qu’il n’y a pas de fumée sans feu !

Certains argueront que le gouvernement nous a accordés un petit cadeau : une possibilité de partir à 60 ans à la retraite en cas de pénibilité du travail évaluée par le médecin du travail. Quid d’une nomenclature objective des métiers « pénibles » ? Aucune car il faut dire « STOP » à tous ces régimes spéciaux ! Quid d’une retraite à la carte, c’est-à-dire en fonction des professions, comme alternative équitable ? Aucune car c’est un casse-tête chinois pour nos politiciens qui ont fait de grandes écoles (ENA, HEC, etc) ! Portalis serait d’accord avec nos politiciens pour qui la loi doit être générale et impersonnelle pour s’appliquer au plus grand nombre de personnes sans trop détailler. Mais, hélas ! Portalis est d’un autre temps, et les Français d’aujourd’hui sont bien vivants !

Ces Français d’aujourd’hui sont à la fois solidaires et individualistes. Solidaires car le recul de l’âge de départ à la retraite va augmenter le nombre de jeunes chômeurs pour qui le marché du travail va se métamorphoser en désert du Sahara ! Solidaires aussi car le coût d’un retraité est plus élevé qu’un chômeur. Or, la retraite est un paiement différé puisque la cotisation est destinée à la fin de sa vie, alors que l’allocation chômage est une forme de « retraite solidarité » pour des personnes en début ou en cours de vie. Malgré le nombre de chômeurs arrivant en fin de droit, on préfère parier seulement sur les retraités et non sur « les denrées » du futur marché du travail ! Solidaires aussi car la réforme des retraites ne résout pas le problème de l’emploi des seniors. Inspirons-nous de la Finlande ! Elle a eu l’intelligence d’accroître le taux d’activité des seniors avant de s’attaquer au chantier des retraites. Mais, faisons confiance à nos hommes politiques ! Certes, les politiciens sont carriéristes, mais les Français sont aussi individualistes. En effet, les Français soutenant cette réforme sont les retraités et non les actifs. Le Président de la République gagne des points pour sa prochaine élection en 2012 auprès de cette tranche de population.

En revanche, perte de points pour le ministre du travail, Eric Woerth ! Est-il encore crédible pour la réforme des retraites après la polémique autour de Liliane Bettencourt ? En effet, l’une des plus grosses fortunes de France a été mise sur écoutes téléphoniques par sa fille par le biais du majordome. L’enregistrement des écoutes entre le gestionnaire de la fortune, Joseph de Maistre, et Bettencourt révèle des comptes en Suisse. O surprise, une fraude fiscale ! Or, Joseph de Maistre est le patron de la femme de Eric Woerth, qui gère en réalité « le magot d’or » de Liliane Bettencourt. Eric Woerth sort alors la carte de l’innocence tel un Richard Virenque réincarné ! Il prétend ne pas être au courant de cette évasion fiscale. La présomption d’innocence posée par la loi du 15 juin 2000 a bon dos pour ne pas démissionner de ses fonctions de ministre du travail. Malheureusement, la France n’a pas encore instauré l’obligation pour les ministres d’être insoupçonnable comme dans les démocraties du Nord. Pas fous nos hommes politiques qui n’ont point d’utilité du mandat de protection future, contrairement à Liliane Bettencourt !

De toute façon, le président de la République va bientôt jouer au jeu des chaises musicales par le remaniement ministériel en septembre ! Eric Woerth, futur démissionnaire forcé ? Sur le fond, la démission du ministre du Travail ne changera pas la donne car le véritable auteur de la réforme des retraites est Nicolas Sarkozy, et n’importe quel ministre ne sera que l’exécuteur.

Reste que recevoir des leçons de politiciens (ministres, parlementaires) croyant vivre dans une République aux idées larges est intolérable. Les Français en ont assez des passe-droits : les cigares de Christian Blanc aux frais du contribuable, le cumul entre salaire de ministre (14 000 euros) et retraite parlementaire pour Michèle Alliot-Marie, la rémunération de Boutin pour son rapport sur « les conséquences sociales de la mondialisation », l’appartement de fonction de Estrosi, etc… Tous les jours, cette liste s’allonge comme un grand livre ouvert !

Or, la colère des Français contre les politiciens risque de grandir si ces derniers adoptent un système de capitalisation pour les retraites où chacun met son argent de côté comme Picsou, et s’ils abandonnent le système de répartition axé sur la solidarité des actifs envers les retraités. Colère accentuée par la future réforme de l’assurance maladie, et le plan de rigueur pour l’équilibre des comptes publics !

Auteur: DJIDEL Nathalie