L\\\'OEIL SUR L\\\'ACTUALITE

Chacun rêverait de pouvoir bénéficier d'une liberté de parole générale et absolue. Mais, hélas, c'est encore un voeu qui ne sera pas exaucé par le Père Noël cette année ! La liberté d'expression connaît des limites connues dans la presse telles que la diffamation ou l'injure, et dans des pays étrangers comme par exemple l'arrestation de Clotilde Reiss pour avoir participé aux manifestations anti-Ahmadinedjad et récemment libérée, ou la censure chinoise. Mais, les limites au droit de s'exprimer sur Internet sont moins connues. S'exprimer sur un outil virtuel ne signifie nullement impunité et irresponsabilité, de même que l'immunité du Président de la République pendant l'exercice de son mandat ne rime pas avec irresponsabilité à la fin de son mandat !

Que ce soit sur Facebook, sur un blog ou un forum, le couperet de la sanction judiciaire n'est jamais loin ! Ce couperet est d'autant plus difficile quand il affecte sa vie professionnelle.

En effet, en 2010, 3 salariés d'Alten ont eu des propos plutôt désagréables à l'égard de la direction de l'entreprise via Facebook en dehors de leur temps de travail. L'employeur les a licenciés pour "incitation à la rébellion" et "dénigrement de l'entreprise". Le conseil de prud'hommes n'a pas encore réussi à trancher cette affaire. Une parole malheureuse, et pouf, votre vie vole en éclats ! Des années pour bâtir une vie anéanties en une fraction de seconde ! Alors, attention ! Dans deux cas, les propos de salariés sur leur employeur peuvent bouleverser la vie de ces premiers par leur licenciement: soit leurs propos causent un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise compte tenu de la nature des fonctions du salarié et de la finalité de l'entreprise, soit leurs propos constituent une diffamation ou une injure. Suivez donc le proverbe: il vaut mieux tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de s'exprimer ! Le phénomène de licenciement lié à Facebook est transnational: un britannique Kevin Colvin a été licencié en raison d'une photo publiée sur Facebook. En effet, ce salarié a indiqué un motif d'absence à son employeur, qui était une urgence familiale, et ce dernier s'est rendu compte qu'il participait en réalité à une soirée Halloween. Plus besoin de détecteur de vérités, Facebook est là !

Le respect de la correspondance privée, et plus généralement de la vie privée, a aussi ses limites dans la fonction publique. Rappelons-nous de l'affaire Garfieldd: ce proviseur homosexuel avait mis des photos jugées "pornographiques" sur son blog. La suite a été une suspension, puis une révocation de ses fonctions signifiée en 2006, et finalement un maintien dans la fonction publique avec une exclusion temporaire d'une année grâce à son recours gracieux. Il faut se garder d'associer fonction publique et sécurité ! Bien que les fonctionnaires aient une liberté d'expression proclamée par la loi du 13 juillet 1983 (art 6), ils sont tenus d'une obligation de réserve dans la manifestation de leurs opinions. De même qu'on ne peut pas parler à tort et à travers, on ne peut pas tout écrire sur son blog !

Pire encore, on ne peut pas tout laisser écrire sur un forum qu'on a créé ! En effet, le TGI de Lyon le 28 mai 2002 a considéré que les personnes créatrices de forums sont responsables pénalement et civilement pour l'ensemble des messages publiés. Le TGI de Toulouse a confirmé cette solution le 5 juin 2002 car le créateur d'un site peut contrôler les informations diffusées, ce qui fait peser sur lui une "obligation générale de prudence et de diligence". Donc, si vous envisagez de créer un forum, sachez que votre responsabilité peut être engagée sur la base de deux fondements: d'un côté, l'article 1383 du Code civil relatif à la responsabilité pour négligence ou imprudence, et de l'autre, l'article 1384 du Code civil pour la responsabilité du fait des choses (choses dont on a l'usage, la direction et le contrôle selon l'arrêt Frank de 1941).

Dorénavant averti, à vos créations ou à vos stylos virtuels !

Auteur: DJIDEL Nathalie