L\\\'OEIL SUR L\\\'ACTUALITE

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REGARD SUR LE PROJET DE LOI HADOPI

Après un ping-pong entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le projet de loi Création et Internet, baptisé « HADOPI » a enfin été adopté le 13 mai 2009 par le Sénat. L’accouchement long et difficile de ce projet sur 11 mois est loin d’en faire un texte parfait, et qui suscite l’unanimité.

 

Ce projet soi-disant protecteur du respect de la vie privée des internautes, on peut en douter après le licenciement de  Mr Bourreau, alors même que le projet de loi n’est pas encore appliqué. En effet, le simple fait d’avoir critiqué le projet HADOPI par mail personnel et à titre privé a entraîné son licenciement du poste de responsable du pôle innovation web de TF1. Du même coup, trois libertés fondamentales ont été balayées d’un revers : la liberté d’expression et d’opinion, le droit au respect de la vie privée , et le droit à un emploi.

 

Mais Mr Bourreau n’est peut-être pas la première et la dernière victime du projet de loi HADOPI. En effet, si on est d’accord avec l’amendement Guy Bono voté par le Parlement européen en 2008, les internautes seraient les autres victimes du projet HADOPI car la suspension de l’accès à Internet est décidée par une autorité administrative, et non judiciaire.

 

Sur le premier motif de « criminalisation des internautes » invoqué par Guy Bono, le projet de loi privilégie au contraire une approche pédagogique et préventive dans la lutte contre le piratage des œuvres musicales, cinématographiques et audiovisuelles. En effet, à l’heure actuelle, l’internaute peut être condamné pour délit de contrefaçon devant le tribunal correctionnel dès le premier téléchargement illicite (300 000 E d’amende, et 3 ans de prison). A l’image d’un enfant qu’on gronde à la première bêtise, et qu’on punit s’il recommence son écart de conduite, l’internaute qui téléchargera illégalement aura deux avertissements avant que le couperet tombe. C’est ce qu’on appelle « la riposte graduée » .La commission de protection des droits au sein de HADOPI enverra à l’internaute dans un premier temps un avertissement par mail. Dans un second temps, si le manquement se renouvelle dans un délai de 6 mois à compter de l’envoi de la première recommandation, la commission enverra à l’internaute un second mail d’avertissement, accompagné d’une lettre recommandée. Dans un troisième temps, si le manquement se répète dans l’année suivant la réception des deux avertissements, la commission pourra suspendre l’accès à Internet pour une durée de 2 mois à 1 an (réduite de 1 mois à 3 mois en cas de transaction entre l’abonné et la commission), assortie de l’interdiction de se réabonner pendant la même durée auprès de tout autre opérateur. Les 2 premiers avertissements ne sont pas susceptibles de recours, et seule la sanction de suspension de l’accès Internet est susceptible d’un recours en annulation ou réformation devant le juge judiciaire dans un délai de 30 jours suivant notification. Privé de son accès à Internet, l’internaute pourra souffler grâce aux services de téléphonie ou de télévision épargnés par la suspension, et sera exaspéré par le fait de devoir tout de même payer son abonnement au fournisseur d’accès à Internet (FAI).

 

Statut de « criminel » pour les internautes, je ne pense pas ! Les internautes seront traités comme des personnes averties et responsables. Gare à ceux qui ont parlé des internautes jugés comme des criminels avec HADOPI, et qui ont crié au loup trop tôt !

Sur le second motif de « surveillance généralisée des réseaux » invoquée par Guy Bono, la tentation est forte de devenir paranoïaque, et de céder au mythe de « Big Brothers », c’est-à-dire le règne absolu de la surveillance, une société où on est surveillé partout quoi qu’on fasse. En effet, aucune surveillance a priori des réseaux et des internautes n’est exercée par HADOPI, ni par les FAI. HADOPI déclenchera son arme « la riposte graduée » a posteriori, c’est-à-dire à partir du constat d’un téléchargement illicite.

 

Sur le troisième motif de « l’atteinte aux libertés » aussi invoqué par Guy Bono, le projet HADOPI essaye au contraire de concilier deux droits fondamentaux : le droit de propriété et le droit moral des créateurs d’une part, et le droit au respect de la vie privée des internautes d’autre part. Cet équilibre entre les deux droits a été souligné par un arrêt de la Cour des Justices des Communautés Européennes « Promusicae » de 2008. En effet, plusieurs moyens garantissent la vie privée des internautes :

 

-D’une part, HADOPI est une autorité administrative indépendante des intérêts économiques des entreprises productrices de musique, de films ou de programmes audiovisuels. Les saisines faites pour le compte des titulaires des droits ou des ayants droit sont traitées par une commission de protection des droits au sein de HADOPI, composée de magistrats impartiaux.

 

-D’autre part, les données personnelles des internautes seront accessibles seulement par HADOPI, auprès des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour la mise en œuvre de la « riposte graduée ».

 

Mais alors, de qui est victime Mr Bourreau si ce n’est pas du projet HADOPI ? C’est la victime directe d’Internet, qui possède une mémoire intacte, et applicable partout. Les faits de l’affaire vont dans ce sens puisque le mail de Mr Bourreau a été adressé à la député UMP Françoise de Panafieu , qui à son tour l’a renvoyé au Ministère de la Culture. L’un des collaborateurs de la ministre de la culture, Christine Albanel, l’a transmis à la direction de TF1 par courriel. Suspension d’un mois du collaborateur fautif, licenciement de Mr Bourreau, cherchez l’erreur ! Mr Bourreau est une victime d’Internet, qui est un moyen de communication insuffisamment sécurisé pour protéger sa correspondance personnelle, fût-elle par mail. Victime comme tant d’autres : les victimes de fraudes bancaires, etc…, l’industrie musicale elle-même !!!

 

Perte de vitesse de l’industrie musicale, c’est un euphémisme ! Baisse de 50% de son chiffre d’affaires en 5 ans, baisse de l’emploi dans les maisons de disques, résiliation massive de contrats d’artistes, diminution du nombre d’artistes signés chaque année ! Internet est un outil de distribution commerciale inefficace en comparaison avec les autres pays européens : 7% de ventes numériques dématérialisées de musique contre 20% aux Etats-Unis. N’oublions pas la crise économique mondiale qui s’est abattue en 2009, et les moyens de téléchargement illicite qui ont la « dent dure » ! Les moyens de téléchargement illicite sont si divers qu’il est impossible pour le projet HADOPI, lorsqu’il sera appliqué, de parvenir à identifier 100% des « pirates » : les échanges physiques, le streaming, les IP dynamiques, les forums d’échange, le peer-to-peer crypté, les réseaux WIFI publics ou mal sécurisés… Avec un tel scénario catastrophique, le sauvetage de l’industrie musicale est plus que compromis.

 

Tentons de sauver l’industrie musicale de la faillite économique ! Si le projet HADOPI vient à s’appliquer, il sera efficace si on se fie aux sondages. Un sondage publié en 2008 en Grande-Bretagne montre que 70% des internautes arrêteraient de télécharger à réception d’un premier avertissement, et 90% à réception du second. Un sondage IPSOS réalisé en France en mai 2008 montre des résultats comparables. L’arrêt du téléchargement illégal aurait pour conséquence un accroissement de la vente des supports physiques et dématérialisés de la musique, des films, des programmes audiovisuels, et des livres. Les ventes augmenteraient d’autant plus, si l’offre légale de contenus culturels en ligne était améliorée, comme l’avait indiqué les Accords de l’Elysée du 23 novembre 2007. Ces Accords, qui ont inspiré le projet HADOPI, ont permis pour la première fois à 47 entreprises ou organisations appartenant au monde du cinéma, de la musique et de l’audiovisuel, d’adopter un consensus pour la lutte contre le piratage et l’extension de l’offre légale en ligne. D’ailleurs, avec HADOPI, la mise à disposition d’un film sera accessible en vente ou en location dans un délai de 4 mois après la sortie en salle, au lieu du délai actuel de 7 mois et demi. Malheureusement, la mise en œuvre du projet est encore retardée par la saisine du Conseil Constitutionnel le 19 mai 2009.

 

Sauvons alors au moins l’honneur de la France au sein de cette très chère Europe ! Le 3 janvier 2008, la Commission européenne a invité les autres pays européens à imiter l’exemple français suite aux Accords de l’Elysée puisqu’elle encourage la collaboration des FAI, des ayants droit et des internautes dans la lutte contre le piratage et l’amélioration de l’offre légale en ligne (cas de la Grande-Bretagne, du Canada et du Japon).

 

Vous l’aurez compris ! la vraie victime d’Internet que le projet de loi HADOPI cherche à protéger : c’est bel et bien l’industrie musicale. A quand le déclin de l’industrie littéraire car des livres sont déjà accessibles sur Internet ?

 

Auteur: DJIDEL Nathalie



25/06/2010
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