Va t-on vers une overdose de la vie cryptée ?
Que vous soyez acteur ou spectateur de votre vie, chacun a pu constater que notre vie est cryptée. Pour exemple, je vous cite mon dernier SMS : « Lol pas d bol ici soleil enfin p moment ! Ca boss, ds 1 h la quille. Biz a bientot ». On pourrait être tenté d’aller acheter un décodeur ou un traducteur.
Hélas ! Ce décodeur n’existe pas. Pourtant, son utilité serait certaine pour comprendre le sens des e-mails, des Tweets, des Sms, des publicités et des pitchs à la télévision, des séries brèves (Bref de Canal +, Scènes de ménage de M6, Un gars/ une fille de France 2), voire les micropamphlets.
Tous ces outils technologiques saccagent en toute impunité la langue française par les abréviations, les absences de verbes, d’accents ou de ponctuations. Est-ce que vous imaginez une maison sans meuble, sans rangement ou sans cuisine ? Non. Alors, pourquoi accepte t-on ces raccourcis de la langue française ?
Peut-être parce que c’est un art de vivre. Le diktat de l’urgence est devenu une philosophie de vie pour une grande majorité d’individus. Prenons l’exemple de l’émission « DECO » de M6, qui rénove une maison en moins d’une semaine ou un appartement en une journée à peine. Cet art de vivre peut se résumer en un Tweet : « vite fait, bien fait ! ».
Peut-être parce que c’est un moyen de survie. En effet, des snipers nous tirent des balles d’informations de tous côtés et chaque jour : télévision, radio, alerte info du téléphone mobile, etc… La personne blessée n’a pas d’autre choix que de riposter en propageant vite ces idées par e-mails, Sms, etc...
Peut-être parce que cette façon de communiquer est employée par notre modèle public : le Président et sa Cour. En effet, lors de la confrontation télévisuelle entre Sarkozy et Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012, les partisans UMP et ceux PS ont joué au jeu vidéo : « Qui va lancer le plus de Tweets sur l’adversaire ? ». Ce modèle public s’étend aux universités. En effet, le professeur américain AARON SCHILLER appelé « Tweeting Philosopher » (=le philosophe qui tweete) tolère les Tweets de ses étudiants pendant qu’il dispense ses cours en amphithéâtre. Le Tweet est tantôt une critique adressée à un candidat présidentiable, tantôt une simple question. Est-ce qu’une critique ou une question est « une invitation à la paresse intellectuelle », cher professeur WACQUANT ? Je dirai NON, sauf peut-être pour Nadine Morano qui tweetait pendant le Conseil des ministres !
Peut-être parce que notre inconscient a envie d’un retour à l’enfance. L’enfance de chacun d’entre nous a été jalonnée par l’apprentissage de la langue française. Cet apprentissage ressemble à une partition de musique sans toutes ses notes, à un livre sans tous ses chapitres, à un puzzle sans toutes ses pièces ! Ces notes, ces chapitres, ces pièces…sont les verbes, les accents, etc… J’aime ce « gazouillis philosophique », cher professeur WACQUANT !
Peut-être parce qu’on veut tester une idée. A l’image des tests coûteux sur une voiture ou un parfum avant sa commercialisation, ALAIN DE BOTTON, philosophe anglais, teste gratuitement une idée en la tweetant. Si elle est jugée pertinente, il développe son idée et son livre. Le Tweet « Action, réaction » tombe à pic !
Peut-être parce que le bref n’est qu’un court moment dans notre vie. Le bachelier aime passionnément et à la folie le résumé, ce qui explique ses visites régulières du site microphilosophy.net du philosophe britannique JULIAN BAGGINI deux semaines avant le bac ! L’universitaire aime beaucoup le résumé lors de ses oraux de fin d’année : l’introduction, les deux parties, les deux sous-parties, la conclusion ! L’actif aime un peu le résumé. Par exemple, l’avocate cultive à l’infini son jardin rempli d’actes de procédure, d’assignations, de conclusions, etc… L’avocat DUPOND MORETTI vient juste de tweeter : « j’aime un peu, beaucoup, à la folie, passionnément démontrer ! ».
Le dernier livre de l’avocat DUPOND MORETTI « Bête noire : condamné à plaider » de 249 pages serait sûrement l’un de ceux que le philosophe ALAIN DE BOTTON n’aurait pas envie de rajeunir en lui coupant quelques mèches de mots. Pour ce dernier, « l’immense majorité des livres d’idées qui sortent aujourd’hui pourraient être réduits à un tiers de leur taille sans en souffrir ».
Je viens de recevoir un Sms : « arrete d parler p ne rien dire ». Adieu.
Auteur: DJIDEL Nathalie
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 2 autres membres